JULIEN PAPPÉ, UNE VIE ANIMÉE
Accueil

Qui était Julien Pappé ?

   Biographie

   Filmographie

   Magic films
      J. Pappé producteur
      J. Pappé expérimentateur
      J. Pappé restaurateur

L'héritage de Magic Films

   Entretiens

   Projets et réalisations

   Hommages à Magic Films - Julien Pappé

   Contact
 

Entretiens

 
 
L’héritage de Julien Pappé par sa fille Tamara

Cet entretien a été publié dans La Lettre de l’afca (association française du cinéma d’animation), du 2ème trimestre 2006.

Né en 1920 en Pologne, Julien Pappé fait ses débuts au cinéma en URSS sur les plateaux d’Eisenstein pendant la Seconde guerre mondiale puis crée un théâtre de marionnettes dans la ville de Lodz. Après guerre, il s’installe à Paris, où il monte en 1953 son studio Magic Films qu’il fixera ensuite à Meudon dans les années soixante. Expérimentateur, truquiste inspiré, il réalise et produit des films d’animation d’auteur et de commande (publicités, génériques…), des documentaires sur l’art et l’ethnographie puis devient restaurateur de films, de photogrammes du pré-cinéma et des fameuses bandes animées d’Émile Reynaud pour les Archives françaises du film. Disparu en avril 2005, l’Animathèque lui rendra hommage le 30 mai. Sa fille Tamara parle ici de son héritage, celui d’un homme qui se disait “plus plasticien que cinéaste”, faisant de “l’anémique cinéma” car entouré d’une petite équipe, et qu’elle définit comme un inventeur, artisan solitaire, proche parent de Méliès…


« Nous sommes 4 sœurs, mais je suis la seule à avoir travaillé dans le cinéma, où je suis devenue chef monteuse. J’ai fait mon premier stage sur Ubu ou la grande gidouille de Jan Lenica que mon père a coproduit et dont il était le superviseur technique, autrement dit, il faisait l’animation. J’ai travaillé aussi à la restauration des bandes d’Émile Reynaud Pauvre Pierrot et Autour d’une cabine et à leur constitution en film. Les Archives du film ont fait appel à lui, car du fait de son esprit inventif et technique, elles supposaient qu’il aurait la capacité de comprendre ces “films” et de trouver une solution pour les restaurer et les rendre visibles. Avec son équipe, il a remis en route le Théâtre optique de Reynaud qui servait à les projeter et qui est aujourd’hui au Musée Grévin. Grâce à cela, le Théâtre et les bandes ont pu voyager pendant 3 ans dans toute l’Europe, mais malheureusement cette machine très fragile est retombée en panne, avec de nouveau plus personne pour la faire fonctionner. Mon père avait aussi commencé aussi à restaurer d’autres images de Reynaud, en vue de faire un documentaire qui les aurait toutes englobées pour en faire un programme entier diffusable en salles.

LE FAIT D’AVOIR COLLABORE avec lui, me permet de mieux comprendre son travail et ce qu’il nous a laissé ; j’étais vraiment dans les studios, je voyais fonctionner les machines et incidemment je fais partie d’un de ces films, La Mare aux Garçons. Aujourd’hui, je suis encore à un stade d’archivage très précoce ; mon père a créé ces studios il y a plus de 50 ans et il ne jetait strictement rien. Mais, à la fin de sa vie, sans retraite et ne gagnant plus d’argent, sa seule ressource a été de vendre son bien. Il a dû démanteler tout son studio de Meudon et a jeté beaucoup de choses dans les bennes. Il nous reste de très anciennes caméras avec lesquelles il avait monté ses bancs-titres et une batterie d’objectifs magnifiques, 2 caméras 35 mm, 2 caméras 16 mm, 2 projecteurs... C’est en état de marche, mais comme aujourd’hui on passe au tout numérique, j’aimerais transmettre les caméras soit à des associations, soit à des écoles ou bien à des musées, car c’est un matériel qui fait partie de l’histoire du cinéma.

L’HERITAGE DE MON PERE se compose donc de plusieurs volets. Il y a ses propres films, de vrais petits bijoux, peu nombreux, leurs négatifs, et surtout les dessins originaux, les planches des décors, les personnages en papiers découpés aimantés. Il y a à peu près autant d’éléments pour les films qu’il a produits.
C’était un animateur particulier qui avait cette technique unique de banc-titre avec une Truca. (La Truca est un banc optique qui permet de refilmer un ou plusieurs bouts de pellicules. On peut ainsi ajouter une image dans une autre, recadrer une image pour n’en garder qu’une partie, ajouter des titres etc. Aujourd’hui, cette technique est remplacée par un traitement informatique de l’image, plus complexe et sans perte de qualité (compositing)).
Quand des réalisateurs avaient des problèmes bien spécifiques à résoudre dans la conception de leur film, on les lui envoyait souvent. Il n’a jamais produit un film dans lequel il n’ait pas participé au niveau technique et inventif. Il a eu beaucoup de collaborations artistiques et techniques sur des films de gens qu’il appréciait et dont il croyait au talent, comme Laloux, Peter Kassovitz, Jean-Louis Bompoint, Martin et Boschet. Ses films lui ont permis d’expérimenter des techniques et des outils qu’il a pu mettre à profit ensuite pour un travail plus lucratif, notamment pour la Nouvelle Vague, avec la réalisation de bandes-annonces pour François Truffaut, Louis Malle, avec Marin Karmitz dont il avait produit le premier film, mais aussi pour des films publicitaires…
Parmi les films de commande qu’il a conservés, il y a ceux pour Télérama, toute une batterie pour la Loterie nationale en papiers découpés, une magnifique publicité très novatrice pour l’Humanité, avec le petit personnage de Pif, faite justement avec sa Truca qui lui a permis d’intégrer le personnage animé dans des vues réelles de Paris.

MON OBJECTIF EST D’OBTENIR une certaine reconnaissance de son travail qu’il n’a pas forcément eue de son vivant. Il a une place dans le parcours du cinéma. Dans ce sens, j’ai pris contact avec le Musée du cinéma d’animation à Annecy. Ça ne concerne pas seulement les machines, mais aussi ce qui est lié aux films, comme les décors, ou aux techniques d’animation comme le papier découpé aimanté animé directement sous caméra que plus personne ne doit utiliser aujourd’hui. J’ai la trace aussi de certains films qu’il a faits de façon plus traditionnelle sur cellulo. Je préfère donc transmettre tout cela à un musée et que ce soit visible par des gens qui s’intéressent à l’animation plutôt que cela reste dans une cave chez moi.

JE SOUHAITE AUSSI QU’IL SOIT reconnu en Pologne, son pays d’origine. C’est pourquoi, je suis en discussion avec la Télévision polonaise pour créer un événement autour de lui qui devrait se passer dans le cadre du festival international de courts métrages de Cracovie.

AVEC LE PROJET D’UNE COMMEMORATION du centenaire du cinéma d’animation par le Festival d’Annecy à travers des projections et des écrits, voire des DVD, une place serait accordée à mon père. Reste la question d’une diffusion d’un DVD pour le public. Comme Julien Pappé n’est pas connu, hormis par les initiés, il faudrait le compléter d’un documentaire qui explique son parcours. C’est un immense travail qui pourrait se faire, mais en dernier.

MON PERE SE PENSAIT UN PEU ETERNEL. Il n’aimait pas trop parler de ce qui se passerait après lui. À la fin de sa vie, il était en train de remettre sur pied un outil de travail informatique et virtuel pour continuer à faire ses projets. Il était toujours dans une dynamique d’action, mais pas de transmission. Mais, il a dû sentir que ses forces diminuaient et qu’il fallait quand même préserver ce qu’il avait déjà fait. La dernière année, avec l’un de ses collègues Philippe Malouet, il a revu et ré-étalonné chacun de ses films pour les transcoder en DVD. Il nous reste aussi à finir ce travail avec Ubu… »

> Pour en savoir plus sur l’afca : www.afca.asso.fr.


 

> Les autres entretiens